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400ème anniversaire de la fondation de QUÉBEC UNE VIE D'EXIL LA FAMILLE DETCHEVERRY
Pendant plusieurs
années, l'île Royale avait joui d'une paix qui lui avait permis d'atteindre
une réelle prospérité. Mais la reprise des hostilités entre la France
et l'Angleterre devait y mettre fin. 1755 vit ce que l'on appela le
« Grand Dérangement » des Acadiens. Ces derniers furent déportés,
et les Anglais prirent bien soin de séparer les membres d'une même famille
afin de les déstabiliser. Il en fallait bien plus pour venir à bout
de ce peuple si soudé et dont la force était justement l'esprit de famille.
Après deux mois de siège par les Anglais, la petite garnison de l'île
Royale dut capituler le 26 juillet 1758. Ses habitants furent expulsés
vers la France dans des conditions terribles. Dans le groupe des
expulsés de l'île Royale qui furent dirigés sur Rochefort, on trouve
Pierre D'Etcheverry, sa femme Geneviève, et sa belle-mère, Marie-Anne
Ozellet. Cette dernière y mourut le 27 octobre 1758, à l'âge de 65 ans,
peu de temps après son arrivée en France. Elle n'avait pu résister aux
épreuves de la traversée. A cette perte vint
s'ajouter pour le ménage celle de son premier enfant, une fille âgée
de deux ans. Une seconde mourut à peu près au même âge en 1762. Une
troisième, Cécile, née à Rochefort le 12 avril 1763, survécut enfin.
Pierre, qui s'était vu dépouillé de sa maison à l'ardoise et de ses
deux barques de pêche complètement gréées, ne resta pas inactif. Il
prit du service à bord d'un bateau côtier, se perfectionnant en même
temps dans la pratique du cabotage et passant avec succès l'examen de
capitaine au cabotage.
Pierre Detcheverry
(père) mourut prématurément le 10 mai 1773 à l'âge de 44 ans laissant
une femme et trois orphelins. C'est alors qu'éclatait
un nouveau conflit entre la France et l'Angleterre. Le 14 septembre
1778, une escadre anglaise composée de 5 frégates et de 142 canons se
présente dans la rade de Saint-Pierre et somme le gouverneur des îles
de se rendre. Les habitants furent
à nouveau expulsés vers la France et embarqués sans même avoir eu le
temps de prendre autre chose que leurs hardes. Au fur et à mesure de
leur embarquement, et sous leurs yeux, leurs maisons étaient pillées
et incendiées, leurs cabanes et leurs chaloupes brisées, leurs bestiaux
enlevés. Après une affreuse
traversée qui vit la mort d'une soixantaine d'habitants, la famille
Detcheverry arrivait à Saint-Servan sur le navire « La Marie »
le 19 novembre 1778. Selon un document d'archives du Ministère de la
France d'Outre-Mer, Geneviève La Fargue était "sans état (profession),
pauvre et honnête et avait les reins cassés. Après cinq années
durant lesquelles ces pauvres réfugiés tentèrent de s'adapter à la vie
métropolitaine, vint la signature du traité de Versailles le 3 septembre
1783. L'Angleterre rendait à la France l'Archipel de Saint-Pierre et
Miquelon. La plupart des familles
qui avaient été expulsées en 1778, dont les Detcheverry, n'hésitèrent
pas à formuler des demandes pour revenir. Tout était à rebâtir. Geneviève
La Fargue et sa fille Cécile, pour subvenir à leurs besoins, élevaient
des volailles et cultivaient un jardin, alors que ses fils étaient pêcheurs
et charpentiers. François épousa Marie Cormier et Pierre, Marguerite
Vigneau. Le Baron de l'Espérance, commandant de l'île de Miquelon,
dans une correspondance au roi, disait de cette population : « Aucune colonie ne contient de déportés
aussi malheureux que ceux des îles. Quel dommage que cette pauvre race
d'Acadiens soit vouée au malheur pour l'éternité des siècles ».
C'est dire la misère qui régnait dans cette petite communauté en 1793.
Ces Acadiens, travailleurs
de la terre, étaient devenus si bons pêcheurs, que les Anglais en vinrent
à jalouser leur succès. Il fallut repousser leurs avances, car ils venaient
essayer de recruter des pêcheurs de Miquelon pour leurs établissements
du Cap Breton et du Nouveau-Brunswick. La prospérité commençait
à poindre, lorsque la Révolution Française allait faire sentir ses effets
dans l'Archipel. Le 12 avril 1793, ayant refusé de prêter serment à
la Constitution, l'abbé Jean-Baptiste Allain s'enfuit aux Iles de la
Madeleine avec près de 250 miquelonnais. Ces Acadiens de Miquelon sont
à l'origine de la plus grande partie de la population de ces Iles. Les
Anglais ne tarderont pas à s'emparer à nouveau des îles, lorsque la
France et l'Angleterre entreront à nouveau en guerre en cette même année
1793. Contrairement à
la précédente prise des îles, les Anglais ne brûlèrent pas les habitations.
Ils tentèrent tout d'abord de rallier les habitants à leur cause et
de les faire travailler pour eux dans l'île, comme dans tout autre havre
de Terre-Neuve. Devant leur refus, les anglais se virent dans l'obligation
de transférer à Halifax ces Miquelonnais qui voulaient malgré tout rester
fidèles à la France et au catholicisme. La famille Detcheverry, comme
tous ces autres Acadiens, opposa une résistance ferme, repoussant toutes
les avances des Anglais. Ces derniers se résolurent à les expédier vers
la France à bord du navire le « Washington » qui arriva à
Bordeaux en juillet 1797. C'est là que furent installés Geneviève La
Fargue, François Detcheverry, sa femme et ses enfants, ainsi que la
famille de son frère Pierre. Ces pauvres réfugiés
allaient connaître vingt années d'exil et de misère. C'est dans les
bâtiments de l'ancien couvent des Chartreux à Bordeaux que leur mère,
Geneviève La Fargue mourut à l'âge de 75 ans le 11 juin 1803, après
une vie passée en exil. Le traité de Paris
signé le 30 mai 1814 ayant rendu à nouveau les îles Saint-Pierre et
Miquelon à la France, des dispositions furent prises pour rapatrier
les anciens habitants de l'Archipel. En juin 1816, la famille de Pierre
Detcheverry arrivait dans l'Archipel à bord de la flûte du Roy « La
Salamandre », et la famille de François Detcheverry à bord de la
flûte du Roy « La Caravane ». Tout était à reconstruire. De nouveau, la famille Detcheverry se retrouvait réunie à
Miquelon. Le rapport d'un contrôleur envoyé dans l'île en 1818 notait
que son chef, François Detcheverry est bon pêcheur, fait la pêche avec
ses fils, habitant distingué, honnête homme, un peu d'aisance, bonne
conduite, propre au pays, élève aussi quelques bestiaux. Cette famille
mérite toute la considération possible. C'est ainsi que François et Pierre Detcheverry assurèrent une descendance nombreuse à Miquelon. Ainsi l'arbre généalogique de cette branche Detcheverry compte jusqu'à maintenant près de 500 personnes.
(page mise à jour le 24/4/2006) |